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jeudi, 27 mars 2014 20:22

La Dislocation Africaine

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Le concept de Dislocation est un concept Afrocentrique fondamental, qui renvoie au fait qu’un groupe (A) peut, consciemment ou pas, s’identifier à un autre groupe (B), qu’il perҫoit ou dont il fait l’expérience comme groupe dominant.

Au cours de ce processus d’identification, le Groupe A se perd de vue, met de côté son histoire, sa vision du monde, ses propres intérêts, et souffre alors de dislocation. L’identification à un autre groupe peut avoir lieu à deux niveaux qui sont liés: elle peut impliquer l’adoption des perspectives du groupe dit dominant, ou/et l’adoption partielle ou totale de la culture dominante. Il parait indéniable que de nombreux d’entre nous, Africains, souffrons de dislocation. Comment expliquer autrement nos comportements souvent bizarres et auto-destructeurs?

Manifestations de la Dislocation

La dislocation africaine peut être appréhendée dans de nombreux domaines. Elle peut etre observée sans grande difficulté, par exemple, dans l’adoption des cannons esthétiques européens, lorsque des Africains essaient d’altérer leur apparence physique originale afin de se conformer au modèle européen. L’exemple tragique de Michael Jackson vient immédiatement à l’esprit. Cependant, bien que le chanteur représente un cas le plus extrême que nous connaissions de déformation physique, son désir de métamorphose raciale est loin d’être unique. De nombreux Africains, partout dans le monde, continuent à avoir recours à la chirurgie et à de dangereux produits chimiques pour altérer la nature de leurs cheveux ou la couleur de leur peau.

En outre, la dislocation est responsable de l’adoption de l’attitude individualiste et matérialiste qui caractérisent la culture européenne dominante. La dislocation se donne également à voir dans la reprise à leur compte de théories européennes par des intellectuels et écrivains africains.  De nombreux intellectuels africains, par exemple, continuent à parler de l’Afrique comme d’un continent “sous-développé,” et des langues africaines comme de “dialectes,” tandis que d’autres s’acharnent à expliquer qu’il n’y avait pas de philosophes africains avant que des Africains ne commencent à aller étudier la philosophie (européenne) dans des universités occidentales. Il est évident qu’un tel discours reflète l’absorption aveugle, et probablement inconsciente, par les Africains du discours occidental sur l’Afrique. Dans d’autres cas, certains romanciers noirs n’hésitent pas à faire “rougir” leurs personnages noirs, affirmant la blancheur comme norme implicite de leur écriture (et probablement de toute leur vie). 

C’est néanmoins dans le domaine religieux que la dislocation africaine est la plus tragiquement visible. Victimes de l’idée selon laquelle il n’y a qu’un dieu, le dieu blanc chrétien, et que les pratiques religieuses africaines relèvent purement et simplement de la sorcellerie et du diabolisme, de nombreux Africains rejettent leurs ancêtres et leurs divinités, et oublient qu’en tant qu’humains ils sont tout à fait capables d’engendrer le sacré à partir de leur propre réalité. Au lieu de se penser comme étant sacrés du fait de leur origine divine, nombreux sont ceux et celles qui croient qu’ils ne peuvent approcher Dieu que par le biais du dieu chrétien ou du dieu musulman.


 

Les conséquences de la dislocation sont les suivantes: une énorme confusion, désorientation, et auto-destruction. En effet, les Africains disloqués ont tendance à se dissocier de leur propre histoire, culture, et biologie, et s’engagent par conséquent souvent dans des activités qui sont contraires au meilleur intérêt des Africains. Ils dénigreront leurs propres ancêtres, faisant preuve d’une ingratitude inimaginable vis à vis de ceux et celles qui les ont précédés, leur ressemblent, et qui ont souffert pour qu’ils puissent voir le jour. De tels individus sont des négros. Il est important de bien comprendre que dans la mesure où le racisme anti-Noirs est l’une des caractéristiques de la pensée européenne, la dislocation africaine ne signifie pas simplement une acculturation partielle ou totale, mais est aussi souvent accompagnée de la haine de soi en tant qu’Africain. Ainsi donc, prendre des distances par rapport à leur communauté est perçu comme une nécessité par les Africains disloqués, non pas seulement pour avancer socialement et économiquement dans un monde dominé par les blancs, mais aussi pour prouver leur humanité à ces mêmes blancs.

Depuis les années 90, je parle de ces Africains disloqués comme de négros malveillants. Il y a deux catégories de négros malveillants: ceux qui reflètent une esthétique européenne, et ceux qui reflètent une esthétique africaine. Les premiers, en général, sont des individus ouvertement et pleinement dévoués à la défense de la suprématie blanche, aux dépends du peuple africain si nécessaire. Clarence Thomas, un Africain Américain nommé à la Cour Suprême américaine par George Bush, Sr., et qui soutint le démantèlement des programmes d’Affirmative Action mis en place pour essayer de contrer les effets dévastateurs du racisme blanc sur les Noirs entre autres, nous fournit peut-être bien le meilleur exemple de négro malveillant à l’ européenne. Les négros malveillants à l’africaine sont un phénomène plus récent et d’autant plus dangereux que ces individus se présentent comme étant “africains.” Ils ne défendront pas la suprématie blanche ouvertement, ils peuvent même la critiquer. Mais, dans les coulisses, on peut observer leur traîtrise et leur trahison des efforts de leur peuple pour se libérer. De toute évidence, les agissements des négros malveillants sont un sérieux problème pour les Africains, et ce depuis des centaines d’années, car ces négros ont régulièrement trahi nos efforts pour nous libérer et améliorer notre condition. Ces négros sont souvent généreusement récompensés et adulés par les Européens. En règle générale, l’on peut être assuré que si les Européens louent et récompensent un Africain c’est parce que ce dernier est un négro hors pair, comme Nelson Mandela.  

Outre ces négros malveillants, il existe cependant  un autre type de négros, les négros bienveillants. Il s’agit d’Africains qui, en raison de leur dislocation, appréhendent la réalité africaine à travers le prisme européen et s’engagent dans des projets qui sont fondamentalement occidentaux et pas nécessairement dans le meilleur intérêt du peuple africain. De nombreux Africains, par exemple, de la Diaspora et du Continent lui-même, approchent l’Afrique comme un continent qui doit être “civilisé” et “développé,” et ils conҫoivent très naturellement des projets qui visent à atteindre ce but, alors qu’en fait, ce à quoi ils s’activent réellement, en dernière instance, n’est ni plus ni moins que l’occidentalisation de l’Afrique et l’aliénation culturelle des Africains. 

Les Remèdes à la Dislocation Africaine: l’Afrocentricité et la Re-Centrage

Le remède que l’Afrocentricité propose pour mettre un terme à notre dislocation est le recentrage, c’est-à-dire la reprise en charge par nous-mêmes de notre histoire et de notre culture. Bien que certains continuent à débattre de ce que cela signifie qu’être africain, il existe un consensus grandissant qu’il est temps que les Africains se reconnectent avec leurs Ancêtres. Cela signifie, en fin de compte, que nous devons accepter et embrasser notre propre spiritualité, culture, histoire, et apparence physique afin de sortir de l’état chaotique dans lequel nous sommes toujours plongés pour connaitre, à nouveau, enfin, l’harmonie et la paix intérieure. L’Afrocentricité Internationale a été créée dans le but de faciliter notre recentrage, par le biais d’une thérapie spirituelle.

 

Lu 22701 fois Dernière modification le mercredi, 30 avril 2014 00:26

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