Pour lui, les vrais problèmes que les Africains, comme d'autres peuples "du tiers-monde" (ce sont ses propres mots) doivent affronter, sont ailleurs : ils résultent de la politique ultra libérale menée par les institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque Mondiale. Et si notre contradicteur se considère comme partisan de la cause panafricaine (regroupement des micro-Etats Africains dans un grand Etat continental), il pense que la pieuvre du néolibéralisme, asphyxiant la totalité de l'humanité, les grandes solutions sont forcément globales et ne peuvent que s'inscrire dans un grand élan de solidarité Nord-Sud.
Je vais m'efforcer de répondre au frère, point par point dans cet article. La réponse ne sera pas forcément exhaustive (une étude approfondie peut faire l'objet d'un prochain livre) mais je vais donner quelques pistes de réflexion. Evidemment, pour une telle réponse le ton qui s'impose, est celui de l'humilité. Pourquoi ? Parce que le chemin qui mène à l'afrocentricité peut être très long. Et il faut savoir que la matrice, la société occidentale mondiale avec ses codes secrets, sa propagande omniprésente, formate notre esprit. Il faut donc être tolérant quant à l'opinion d'autrui, tout en énonçant avec clarté ses propres convictions.
Je peux résumer l'opinion du frère avec qui je me suis entretenu ces jours-ci, d'une façon schématique. Elle est contenue dans les deux affirmations qui suivent :
"- la suprématie blanche n'existe pas
- les intellectuels afrocentriques ne s'intéressent pas à l'économie"
Je vais répondre au frère de façon très précise sur ces deux questions. Et ce qui est passionnant, c'est le fait que nous allons voir que ces deux sujets apparemment différents, sont en réalité très étroitement liés.
Qu'est-ce que la suprématie blanche ?
C'est le fait pour le groupe ethno-culturel de ceux qui se définissent comme "Blancs", d'organiser sa survie génétique par une politique génocidaire mondiale, contre les peuples qu'il définit comme "non-blancs". Cette politique génocidaire s'applique dans tous les domaines de l'activité humaine : économie, études historiques, philosophie, religion, médias, industrie du divertissement, industrie pharmaceutique, anthropologie, publicité, politique, art, éducation, industrie militaire, etc...
Il est intéressant de constater que le discours selon lequel la suprématie blanche n'existerait pas, n'est pas nouveau. Ainsi, on peut faire référence aux travaux de l'essayiste trinidadien Eric Williams, qui dans son livre "Esclavage et capitalisme" nous disait que c'était l'appât du gain, donc le capitalisme (aujourd'hui on dirait le néo-libéralisme) qui crééait le racisme, l'exploitation de l'Afrique par les puissances impérialistes, et la discrimination raciale en Occident pour exploiter les travailleurs noirs pauvres.
En discutant avec le frère, j'ai pris l'exemple des pique niques macabres organisés par des Blancs ordinaires, à l'époque de la ségrégation raciale aux Etats-Unis (de la fin de l'esclavage après la guerre de sécession, jusqu'à la fin du mouvement des droits civiques). Ces événements barbares (c'est Julia Wright, la fille de l'écrivain Richard Wright, qui m'a dit un jour que le mot "pique nique" provenait de l'expression "to pick a nigger", "lyncher un nègre"), étaient souvent réalisés par des Red Necks, des Blancs du sud très pauvres, certes parfois avec la bénédiction sinon la participation active des shériffs et autres agents de l'autorité. Même si des notables locaux y prenaient une part active, on ne pouvait pas dire pour autant que ces événements étaient sponsorisés par le Grand Capital et le monde de la finance internationale ! Bruler un être humain africain devant des enfants blancs pour leur inculquer la supériorité supposée de la soi-disant race caucasienne, n'a rien à voir avec une quelconque spéculation boursière. Maintenant, cher frère, tu me diras que le Grand Capital a tout intérêt à surfer sur l'idéologie raciste pour séparer les travailleurs blancs pauvres des travailleurs noirs pauvres. C'est vrai, ça je te le concède volontiers.
Un paradigme qui mène à la destruction de l'humanité
Mais revenons à la définition de la suprématie blanche. La suprématie blanche, selon la psychiatre africaine américaine Frances Cress Welsing est une émotion et une réaction. Cette émotion, c'est la peur du groupe ethno-culturel "qui se définit comme blanc", d'une annihilation génétique. Sachant que les gênes des Blancs sont récessifs, lorsqu'ils font des enfants avec des groupes ayant plus de mélanine qu'eux, dans une société normale, c'est à dire une société non-raciste, les descendants de ces unions deviennent de générations en générations de plus en plus pigmentés, si bien qu'au bout de trois générations, l'élément blanc devient tout simplement invisible. C'est une loi de la nature. En plus il faut ajouter à cela que les Blancs sont une minorité sur la scène mondiale (10% de la population, peut-être moins). Pour éviter cela, ils deviennent hyper agressifs (armes de destruction massive, armes nucléaires, propagande constante). Ils façonnent un monde à leur image, en imposant à tous les habitants du monde le désir d'être blancs (cf. Neymar, Rihanna).
Les idéologies occidentales sont néfastes pour les différents peuples du monde, car elles mènent inévitablement à la destruction de l'humanité.
Le génocide du Rwanda est en réalité le suicide d'un peuple. Ce sont les Allemands et ensuite les Belges qui ont enseignés aux Banyarwanda que les Tutsi étaient une race à part, une race supérieure, la race "hamite", un peuple de "Blancs à peau noire" venus d'Egypte et qu'ils étaient au Rwanda pour dominer le "peuple hutu, un peuple bantu à l'âme lourde".
Les conséquences, on les connait aujourd'hui. Doit-on préciser qu'à l'origine Hutu et Tutsi, sont des notions correspondant à l'organisation du travail dans le Rwanda précolonial ? Avant la colonisation, un Hutu qui faisait l'acquistion d'un peu de cheptel, pouvait devenir Tutsi ! Le système éducatif, après le départ du colonisateur belge, a continué à appliquer le racisme colonial institutionnel avec la mention de "l'ethnie" (Hutu, Tutsi, Twa) sur la carte d'identité. Comble du machiavélisme, les Belges avant de laisser les rênes du pouvoir à la majorité africaine dans ce pays, en 1959, ont changé d'alliance au dernier moment au bénéfice des Hutu, en leur disant qu'ils étaient la majorité numérique, les vrais "Rwandais" opprimés par les seigneurs féodaux tutsis d'origine "étrangère" ! Ce faisant, ils ont laissé dans le pays, une véritable bombe à retardement provoquant massacres et contre-massacres pour aboutir en 1994, au génocide des Tutsis et Hutus modérés. Ces idéologies aliénantes, provoquent des conflits et des massacres de façon ininterrompue, parce qu'aujourd'hui, c'est le régime rwandais de Paul Kagamé, celui-là même qui a arrêté le génocide de 1994, qui soutient d'autres milices génocidaires au Kivu en République Démocratique du Congo, les groupes paramilitaires de Laurent Nkunda.
Aujourd'hui, cher frère, tu nous dis que si on veut sauver l'Afrique et les Africains dans le monde, il faut surtout s'occuper d'économie. Mais si on enseigne à nos soeurs et nos frères du Rwanda, du Congo et d'ailleurs, que nos cultures africaines sont issues d'un moule commun (culturel, spirituel, linguistique), s'en est fait de cette politique du diviser pour mieux régner et de ces massacres et génocides à répétition. On voit bien, là encore, que la culture est tout, sauf un luxe.
C'est un article que je veux écrire, et non pas un livre. Pour cette raison, il me faut en arriver à la deuxième partie de cet exposé.
"- les intellectuels afrocentriques ne s'intéressent pas à l'économie", me disais-tu.
Rappelons encore une fois, que les théories ainsi que la pratique économiques, sont toujours issues d'une pratique culturelle donnée.
La nature réelle d'une "révolution africaine"
L'étude de l'histoire est loin d'être superflue si on veut bien comprendre quelle serait le type d'économie qui pourrait correspondre aux Africains, en Afrique et ailleurs dans le monde.
Doit-on rappeler que Ta Meri, l'Egypte antique fut florissante pendant plusieurs millénaires, illustrant une stabilité politique, économique et culturelle dont aucun régime de type capitaliste et encore moins socialiste peut s'enorgueillir ? A la chute de Ta Meri (l'Egypte) il y eut le Ghana, et ensuite tout un tas d'autres ensembles politiques, militaires et économiques et cela en dépit des agressions extérieures (Perses, Turques, Arabes, puis européennes).
L'économie de type africain est communautaire. Il n'y a pas d'aliénation, d'exclusion des miséreux comme dans le Moyen Age européen. C'est Cheikh Anta Diop qui a bien expliqué cela dans son livre "Antériorité des civilisations nègres", éditions Présence Africaine, 1960.
Il explique très bien qu'avant la colonisation, les sociétés africaines traditionnelles ne pouvaient pas être des sociétés de type révolutionnaire, tout simplement parce qu'on y trouvait pas de confiscation des terres par une minorité de nantis. Il y avait un savant dosage du pouvoir entre la "noblesse" africaine et les autres castes (forgerons, etc...) Ainsi, on n'y a pas trouvé ultérieurement, la "haine de classe" qu'on trouvera dans les sociétés européennes, depuis la Grèce antique avec les différentes castes, jusqu'à la révolution française de 1789 et jusqu'à la révolution russe de 1917.
Pour Diop, la seule révolution qui a eu lieu en Afrique a été celle de la décolonisation. Et là encore, il faut relativiser, parce que dans l'ancienne Afrique Equatoriale Française comme dans l'ancienne A.O.F (Afrique Occidentale Française), la France a gardé la main sur la politique intérieure de ces Etats après 1960, à l'exception bien sûr de la Guinée de Sékou Touré.
Cheikh Anta Diop aurait pu parler aussi de la révolution haïtienne, événement considérable dans l'histoire de la diaspora africaine. En effet, la bataille de Vertières de 1803, voit les troupes africaines insurgées menées par Geffrard, Pétion, Dessalines, se rendre victorieuses de la plus puissante armée du monde, celle de Napoléon Bonaparte, commandée par le propre beau-frère de l'Empereur, le Général Leclerc. Il y a quelques années, Hugo Chavez avait rendu hommage à cette révolution haïtienne, dans un magnifique discours officiel qu'on peut visionner encore sur youtube, discours sous-titré en français.
Quoiqu'il en soit, malgré toutes ces luttes, toutes ces batailles de nos armées (Vertières, 1803, Haïti; Adoua, 1896, Ethiopie), la domination européenne sur le monde reste une réalité aujourd'hui encore, en tout cas en apparence. Parce qu'on s'achemine de plus en plus, vers une situation où on parlera d'une simple volonté de domination occidentale sur le monde et non d'une domination effective, parce que comme le disait si bien le prophète Malcolm X dans les années 60, "the dark world is rising" (la majorité des peuples, peuples noirs, jaunes et bruns sont en pleine ascension). Pour masquer cette situation, les médias de la désinformation, en Occident, s'efforcent de nous donner une image du monde non-blanc totalement faussée, en présentant les sociétés du monde, comme des lieux chaotiques. Et évidemment, pour ne pas perdre certains marchés économiques autrefois captifs, en Afrique, au profit de la Chine, les Etats occidentaux (France, Grande Bretagne, Etats-Unis) sont prêts à financer des actions terroristes (c'était sûrement le cas cette année au Kenya, pays dirigé tout de même, il faut le signaler, par le propre fils de Jomo Kenyatta, Uhuru). Mais cela ne peut que retarder l'échéance, celle du déclin de l'Occident et de la montée en puissance de l'Asie ainsi que la renaissance africaine.
Dans ce monde de chaos, quelles sont les bonnes nouvelles ?
On peut dire que la création d'un fonds monétaire africain en est une :
Selon le journal en ligne, Afrique Jet Actualités, "le Sommet de l'Union africaine (UA) a approuvé la création d'un Fonds monétaire africain (FMA), doté d'un capital initial de 22,64 milliards de dollars, afin de promouvoir le développement économique en Afrique. Le Fonds aura pour mission de corriger les positions des balances de paiement des pays du continent, un déséquilibre essentiellement causé par la faiblesse des exportations de matières premières et les volumes élevés des importations, ce qui exerce une charge négative sur la stabilité des monnaies." Pour l'économiste Yves Ekoué Amaïzo, "le regroupement économique prenant la forme d’interdépendances institutionnalisées ne peut que renforcer les positions de négociation de l’Afrique sur des bases sous-régionales... "
L'ascension de l'Afrique est aussi et surtout économique et cela avec de nouveaux dirigeants. Mais c'est surtout le paradigme qu'il faut changer. L'Afrique n'est pas à vendre. Et les Chinois ont sûrement aussi un agenda à long terme, qu'il faut chercher à connaître.
D'autre part, il est clair qu'avoir une majorité de dirigeants et de politiciens très impliqués dans des religions étrangères telles que le christianisme ou l'islam reste une donnée préoccupante, dans la mesure où cela favorise, une solidarité culturelle et économique avec le monde occidental et le monde arabe, en lieu et place d'une réelle solidarité africaine. C'est pour cela qu'il importe de bien éduquer les nouvelles générations. Parce que pour les générations actuelles, c'est souvent trop tard, tellement l'aliénation culturelle est partie prenante de leur identité. Le problème avec l'aliénation culturelle, c'est qu'elle sort par la porte, pour réapparaître aussitôt par la fenêtre ou le conduit d'aération. On se débarasse du paradigme chrétien et voici Karl Marx qui arrive avec son kit de conversion au socialisme la goule enfarinée. On se débarasse de l'islam et les sociétés secrètes occidentales nous font du pied, en nous vendant un kémitisme sans Kemits, c'est à dire un paradigme où nos Neterou (Isis, Osiris, Horus) apparaissent avec des liftings facials qui n'ont rien à envier à ceux de Neymar ou de Michael Jackson. Si tout ce cirque-là, n'est pas de la suprématie blanche, je ne m'y connais pas !
Il nous faut donc quitter ces lieux d'aliénations que sont ces associations, ces partis politiques où nous faisons cause commune avec les Européens. Il y a un crime contre l'humanité, qui n'est toujours pas réparé, celui de la falsification de l'histoire. On enseigne toujours à l'école de Jules Ferry, l'histoire d'une Egypte antique blanche. Cette falsification de l'histoire est une vue de l'esprit et en définitive, un crime contre l'humanité. En outre, selon la "one drop rule" à la française, (la règle américaine selon laquelle une personne qui a une goutte de sang noir, est noire), la littérature du franco-haïtien Alexandre Dumas, n'est pas enseignée à nos chers têtes crépues, ni aux têtes blondes, brunes et rousses ! C'est l'esprit de nos enfants qu'on assassine.
Pourtant, le Comte de Monte Cristo, la reine Margot et le Vicomte de Bragelonne, sont des monuments de la littérature où on y exalte des valeurs telles que l'honneur et la justice. Mais c'est peut être là aussi que le bas blesse, la littérature de Dumas est peut être trop maâtique, trop imprégnée de l'idée de justice. Enfin, si à l'école de Jules Ferry, on apprend pas que les premières populations humaines qui peuplèrent l'hexagone furent celles de Grimaldi (des populations africoïdes), alors le racisme (qui est un désordre mental selon le psychologue Asa Hilliard), va perdurer et l'harmonie entre communautés qui devrait prévaloir dans tout Etat éclairé, restera un voeu pieu dans ce pays de France. Tant que la vérité ne sera pas rétablie sur ces questions essentielles pour l'harmonie humaine, je ne vois pas l'intérêt d'intégrer des partis politiques français. En effet, comment avoir des rapports sains avec des personnes qui nient notre histoire et d'une façon plus générale celle de l'humanité ? Si on rêve d'une ère de liberté pour notre peuple, il faut rejoindre ici et maintenant, des associations afrocentriques ou panafricaines comme Afrocentricity International France.
Pour que la renaissance africaine devienne une réalité tangible il faut que chaque personne consciente des vrais enjeux s'implique personnellement. Et cela passe par une connaissance approfondie (il faut lire les livres de nos guerriers intellectuels, Diop, Asante, Omotunde, Mazama), alliée à un investissement personnel sur le terrain. Et je rappelle ici que l'Afrique, c'est l'Afrique plus la diaspora. La renaissance africaine c'est ici et maintenant ! Frère, tu as des compétences, une curiosité intellectuelle, un idéal de justice, mais il te faut creuser encore, au niveau du savoir. Je tiens d'autre part à signaler qu'être afrocentrique ne signifie pas être "Pro Black". Je veux dire par là, que nous ne sommes pas dans la répétition des slogans et dans l'hagiographie (culte de l'image des Saints). Certes, nous prenons du plaisir à contempler toutes ces images du frère Garvey, du frère Malcolm , du frère Diop, mais nous pensons aussi qu'il nous faut étudier l'histoire de façon approfondie, pour lire clairement la destinée de notre peuple dans le long parcours de l'humanité moderne, qui débuta en Afrique de l'Est il y a 200 000 ans !
Avoir en tête cette chronologie longue, permet d'éviter toutes les erreurs d'interprétation. Exemple : on nous vend aujourd'hui l'écologie comme une valeur essentielle, mais nos ancêtres depuis toujours, ont su vivre en paix avec l'éco-système ! On nous vend la solidarité économique comme une nécessité pour l'humanité, mais ce sont justement les valeurs fondamentales de la civilisation africaine ! On veut nous informer qu'il existe une vie après la mort (cf les travaux du Dr Charbonnier et de Raymond Moody), mais nos ancêtres ont écrit le Livre de Sortie Vers la Lumière du Jour !
La connaissance de l'histoire permet de comprendre l'état actuel du monde et les remèdes que l'on peut y apporter. Elle nous évite aussi de tomber dans les travers de la suprématie blanche et d'interpréter le monde en faisant appel à Yahvé, Allah, Nietszche, Marx ou Freud ! Adoptons comme un mantra la phrase de Cheikh Anta Diop : "il faut étudier l'histoire non pour s'y complaire, mais pour y puiser des leçons."
Iterou Ogowè.