Aucune société soucieuse de l’harmonie ne peut fonctionner sans se doter de règle. L’ensemble de ces règles peut être porté à la connaissance de tous les citoyens par transmission directe (oral) ou être transcrit (écrit).
Selon la société concernée et le mode choisit, on parle de code moral, d’interdits, de commandements ou de lois.
Et aucun mode ne saurait exprimer un degré élevé d’efficacité par rapport à un autre. Car il dépend des moyens d’accès-en termes de communication-au public cible.
C’est dans le souci de développer un complexe d’infériorité chez les Nègres que les occidentaux déclarent à tort que le concept d’instauration des règles n’existe que selon leur paradigme.
Chez les nègres actuels, ce concept existe bel et bien sous le terme d’interdits. Il découle du code moral de leurs ancêtres Kamits, habitants de Kamita (actuel Egypte), dont ils sont issus.
Appelé MÂAT, ce code moral est le tout premier du genre de toute l’humanité. Il date de -3000 ans avant l’ère chrétienne et est le garant de l’harmonie, l’équilibre, la paix, la stabilité et la justice.
La MÂAT a été dictée aux kamits par AMON-RA, l’unique créateur de l’univers et de l’homme.
Dans un des textes, la Maat comporte jusqu’à quarante deux(42) articles. Elle est surtout la source historique des dix(10) commandements de la bible et du coran.
Le lien de parenté entre tous les peuples noirs actuels et les anciens égyptiens n’est plus à démontrer depuis la parution de « Nations Nègres et cultures » de Cheick Anta Diop.
Ainsi, la société Baoulé- peuple venu de l’actuel Ghana et vivant au centre de la Côte d’Ivoire depuis le XVIème siècle- n’échappe pas à l’affirmation incontestable de ce noble ancêtre.
Chez ce peuple, les interdits sont connus sous le nom de « GNAMMIEN M’MLA ». Ils sont enseignés et transmis au sein de la cellule familiale et divers canaux spirituels tels que : les initiés des bois sacrés, les dignitaires des pouvoirs communautaire, les gardiens de temples et les prêtresses voyantes.
Tout ceci symbolise la décentralisation des pouvoirs spirituels qui caractérise le peuple Noir, contrairement à la réalité occidentale.
Dans le souci de révéler les similitudes entre le Gnammien m’mla et la Mâat, il apparait nécessaire de citer en premier lieu les quarante deux(42) articles de celle-ci :
- Je n’ai pas commis l’iniquité ;
- Je n’ai pas agit avec violence ;
- Je n’ai pas été cupide ;
- Je n’ai pas volé ;
- Je n’ai tué personne ;
- Je n’ai pas diminué le boisseau ;
- Je n’ai pas commis de forfaiture ;
- Je n’ai pas volé les biens d’une divinité ;
- Je n’ai pas dit de mensonge ;
- Je n’ai pas dérobé de nourriture ;
- Je n’ai pas été de mauvaise humeur ;
- Je n’ai rien transgressé ;
- Je n’ai pas tué d’animal sacré ;
- Je n’ai pas fait de spéculation avec les grains de céréales ;
- Je n’ai pas volé de ration de pain ;
- Je n’ai pas épié ;
- Je n’ai jamais péché par excès de parole ;
- Je ne me suis disputé que pour mes affaires personnelles ;
- Je n’ai commerce avec femme mariée ;
- Je n’ai pas forniqué ;
- Je n’ai pas inspiré de crainte ;
- Je n’ai pas forniqué ;
- Je ne me suis pas emporté en parole ;
- Je n’ai pas été sourd aux paroles de vérité ;
- Je n’ai pas été insolant ;
- Je n’ai jamais fait verser des larmes à mes semblables ;
- Je n’ai pas été dépravé ni pédéraste ;
- Je n’ai pas été faux ;
- Je n’ai pas insulté mon semblable ;
- Je n’ai été brutal ;
- Je n’ai pas agis avec précipitation ;
- Je n’ai pas transgressé ma condition au point de m’emporter contre DIEU ;
- Je n’ai pas été bavard ;
- Je suis sans péché, je n’ai pas fait de mal ;
- Je n’ai pas insulté le Roi ;
- Je n’ai pas pollué les eaux ;
- Je n’ai pas été hautin ;
- Je n’ai pas blasphémé DIEU ;
- Je n’ai jamais été impertinent, ni insolant ;
- Je n’ai pas fait d’exception illicite en ma faveur ;
- Je ne me suis enrichi de façon illicite ;
- Je n’ai pas calomnié DIEU dans ma ville.
« Cité dans JP Omotoundé PP 67-71 »
Justice, vérité et bonté sont les trois principes de la divinité égyptienne Maât dans l’Egypte Ancienne.
LeLivre des morts rédigé en hiératique, trouvé dans la tombe du scribe royal Ani de la fin de la XVIIIe dynastie et le début de la XIXe dynastie incarne les principes de la Maat.
On retrouve dans ce livre la scène du tribunal du défunt avec les 42 commandements de Maât. Le papyrus d’Ani a été nommé «Maximes d’Ani » ou document des droits et des devoirs.
Il peut arriver que le nombre des articles des interdits ne soit pas quarante deux(42). Mais le concept de la Mâat reste partout le même dans le monde nègre.
Ceci peut s’expliquer, entre autres, par l’influence de nouvelles expériences liées à divers contacts au moment des différentes vagues migratoires après la chute de l’Etat de Kamita.
IL peut exister des cas où un terme est un condensé de plusieurs articles.
Le cas des Baoulé n’échappe pas à ces deux faits ; Ce qui pourrait expliquer l’appellation Gnammien m’mla.
Ici, le nombre-trente six(36)-que nous avons recensé n’est pas exhaustif ; mais ne saurait connaître un rallongement illimité (de façon fantaisiste), si l’on a l’occasion d’interroger un sage Africain plus initié.
Présent dans la vie quotidienne des Baoulé, le GNAMMIEN M’MLA se dicte dans un style de recommandations ; à savoir :
- Nan fâ Gnammien-Kpli yiyi wô gni su : Ne blasphème pas Gnammien-Kpli ;
- Nan can amouin’bo nu n’dè gwa su : Ne raconte pas les secrets du bois sacré aux non initiés ;
- Nan coun sran : Ne jamais ôter la vie à son semblable ;
- Nan fâ n’gna tèh : Ne possède pas d’égrégore à usage négatif ;
- Nan clôclô blo nigué mu : Ne provoque pas les habitants de la forêt (génie, etc.) ;
- Nan coundè blâ blo : N’entretiens pas de rapport sexuel en brousse (hors des habitats) ;
- Nan tôh blâ gblu : Ne commets pas le viol ;
- Nan yo blâ fin’fin’ : Ne maltraites pas la femme ;
- Nan yo n’zué abôlè : Ne gaspilles pas l’eau ;
- Nan yo klôh n’nin abôlè : Ne maltraites pas les animaux (domestiques) ;
- Nan coundè wô wiégu i yi : Ne commets pas l’adultère ;
- Nan man wô nouan to Agwa ni klôh kpingbin mu: Ne manques aux nobles (Rois et Chefs de villages) ;
- Fôhn’vô hounmien mu, man bé sasa wô : Honnores les Ancêtres afin qu’ils veillent sur toi ;
- Nan wâ wama su aliè : Ne voles pas la nourriture étalée sur l’autel des Ancêtres ;
- Man wô gni yi wô sy, ô ni wô ny : Respects ton père et ta mère ;
- Man wô gni yi wô gnroun kpingbin mu : Respects le droit de naissance ;
- Nan kpla kpingbin nouan n’dêh : N’arraches pas la parole à un aîné ;
- Nan bo sanzan wô wâh su : Ne prononces pas de parole maléfique à l’endroit de te progéniture ;
- Nan wâ : Ne voles pas ;
- Nan kpêh sayè : Ne sois pas auteur de problème délicat à résoudre par ta famille ;
- Nan sri wô wiégou sa yalè su : Ne ris pas du malheur de ton prochain ;
- Nan to gblè : Ne racontes pas de mensonges ;
- Nan di n’droumou : Ne triches pas ;
- Nan fia n’dêh nanwlè su : Ne caches pas la vérité ;
- Nan bou wô wiégou louflé : Ne pas léser son prochain ;
- Yidjôh tchêtchê : la parole est sacré ; parles juste, sans t’emporter ;
- Nan yidjôh fin’fin n’zra nu : Ne sois pas bavard (ne divagues pas) en public ;
- Nan yo wô wiégou têh : Ne nuis pas ton prochain ;
- Nan yo n’zan bo fouè : Ne sois pas ivrogne, alcoolique ;
- Nan goua wô wiégou gni assé : Ne pas honnir, offusquer son prochain ;
- Nan fâ wô wiégou i oun ya : Ne te fâches pas avec ton prochain ;
- Nan kpêh wô wiégoun n’zoua : Ne prononces pas d’injures à l’endroit de ton semblable ;
- Nan yo n’zagué fouè : Ne sois pas insolent ;
- Nan yo vigui-vigui fouè : Ne sois pas turbulent ;
- Nan sri fôlèh fouè : Ne te moques pas d’un handicapé ;
- Nan hogo hogo wô oun : Sois humble et modeste.
En sommes, l’existence de la Mâat ou Gnammien M’Mla dans le qoutidien du peuple Baoulè est d’autant vrai que dans le langage courant, des proverbes, fables et contes sont dits pour soutenir la plupart de ces recommandations.
C’est le cas des articles (1 ; 13 ; 21 ; 24 ; 25 ; 26 ; 28 et 36) :
- Nan fâ Gnammien-Kpli yiyi wô gni su : Ne blasphème pas Gnammien-Kpli (Proverbe)
- Bé cloa fiâ man Gnammien-Kpli boh :
Il n’existe aucun rndroit où se cacher au point de ne pas être vu par Gnammien-kpli ;
13. Fôhn’vô hounmien mu, man bé sasa wô : Honnores les Ancêtres afin qu’ils veillent sur toi (Proverbe)
- Sran n’ga ô co kpê wô hounmien boua, ô lé man boua kplo wô bo :
Celui qui est capable de faire offrande d’un mouton en ton honneur (en tant qu’ancêtre), ne t’arraches pas une peau de mouton, de ton vivant ;
- Nan sri wô wiégou sa yalè su : Ne ris pas du malheur de ton prochain (Proverbe)
- Kê wô di fouêh i sa, nian wô liè :
Pendant que tu manges la paume de fouêh, rappels-toi qu’elle ressemble à la tienne ;
NB : fouêh est une race de singe dont la paume des pattes avant ressemble à celle des humains ;
24. Nan fia n’dêh nanwlè su : Ne caches pas la vérité (Proverbe)
- Bé fâ man fah-tôlèh yo man n’dowa :
Si tu utilises la terre battue pour grossir tes mollets, elle finira par tomber ; et l’on connaîtra la vraie forme de tes mollets.
En d’autres termes, on dira que la vérité finit toujours par triompher du mensonge ;
- Nan bou wô wiégou louflé : Ne pas léser son prochain (Proverbe)
- Sê wô di can’ga louflé, wô bloun la goua su :
A force de traquer le crabe qui se cache dans son trou parce qu’il est inoffensif, ton cul fini par se situer en hauteur et devenir vulnérable (à la porté des regards) ;
- Yidjôh tchêtchê : la parole est sacré ; parles juste, sans t’emporter (Proverbe)
- Coclô-wètè fâ i nouan nu fêh nanti n’djé mu bé nu :
C’est l’éloquence du mille-pattes qui lui permet de traverser la colonne des magnans ;
28. Nan yo wô wiégou têh : Ne nuis pas ton prochain (Proverbe)
- Sê wô kpè atin’ têh, ô fité wô odwa :
Si tu fais du mal à ton prochain, tu finiras par récolter les conséquences ;
36. Nan hogo hogo wô oun : Sois humble et modeste (fable)
- Anouman-bobo kpôkpô wan ô cloa sié i ni waca bouè nu, i ti ô côh man sè bo; wié coun I ny, I nouan wa woun. I ti yè, bé sé kè sran klwakwa mian i wiégou sa nu :
Anouman-bobo kpôkpô a pris la décision de jamais participer aux obsèques des autres, pensant pouvoir creuser tout seul la tombe de sa mère ; malheureusement, au décès de celle-ci, son bec se trouve être enflé. Ce qui revient à dire que nul ne peut vivre sans autrui.
KONAN BONTHIN
Chercheur à KEMETMAAT. Abidjan.